Le 5 novembre dernier, une chronique de Normand Baillargeon portant sur les actions légales de l'AQED a été publiée par Le Devoir.
Voici le texte d'une bénévole de l'AQED en réponse à cette chronique :
Pourquoi les familles-éducatrices s’inquiètent pour les enfants
Réplique à la chronique de Normand Baillargeon
Je suis la maman de deux enfants scolarisés à la maison. C’est donc avec intérêt que j’ai lu la chronique de Normand Baillargeon concernant l’action légale de l’Association québécoise pour l’éducation à domicile afin de renverser l’obligation des épreuves ministérielles pour les jeunes scolarisés à la maison.
Ce qui est au cœur du débat est le droit de nos enfants à une évaluation équitable. Laissez-moi vous exposer comment s'est déroulée l’épreuve de 4e année du primaire pour notre fils.
Nous l’avons inscrit à son épreuve obligatoire dès l’automne 2021 en soulignant que nous voulions être impliqués comme parents dans la préparation. Après plusieurs échanges, notre Centre de services scolaires ne nous a offert qu'une séance de 3 heures de préparation à la mi-avril. Notre fils a dû y aller seul parce que le Ministère avait donné la directive de ne pas montrer d’épreuve aux parents-éducateurs. J’ai donc dû avoir une longue discussion complémentaire avec la conseillère pédagogique du CSS pour savoir sur quoi serait évalué mon fils.
Puis nous l’avons entraîné à performer en ce sens. Parce qu'il faut être honnête, un examen évalue la capacité de performer à ce type d’évaluation, mais pas l’entièreté des compétences en français. Nous étions confiants en ses acquis dans cette matière. Mais comme notre fils a dû aller dans un local étranger, avec des enfants et des adultes inconnus, pour être évalué par une méthode inhabituelle pour lui, nous ne savions pas comment cela se passerait.
Ensuite, nous avons reçu la note de l’examen en juillet. Cette note n’a été transmise à personne d’autre. Ces épreuves ministérielles ne sont en aucun cas un outil du Ministère de l’Éducation pour évaluer les apprentissages de notre fils. Cela est fait par le suivi avec la Direction de l’enseignement à la maison du ministère, à laquelle nous rendons des comptes plusieurs fois par an.
En effet, ce suivi nous demande de produire un projet d’apprentissage présentant les compétences visées et les moyens prévus pour y parvenir. Nous soumettons deux bilans de progression des apprentissages de nos enfants par année. Plusieurs modes d’évaluation sont permis par la Loi : portfolio, évaluation par un enseignant ou examens. Comme vous voyez, les compétences étudiées par nos enfants sont déjà suivies amplement par d’autres moyens que des épreuves ponctuelles obligatoires.
Le deuxième élément majeur de cette cause en justice est un accès équitable à la sanction des études en secondaire 4 et 5. Actuellement, les directives du Ministère obligent une épreuve unique par matière obligatoire valant 100% de la note au bulletin. Ces épreuves valaient 20% de la note pour les élèves à l’école cette année.
Enfin, monsieur Baillargeon semble soutenir que l’école est un gage d’émancipation de l’origine sociale. Je pense ici que l’on confond éducation et école. J’ai moi-même fait l’école à la maison (3e cycle primaire et 2e cycle secondaire) et je suis maintenant médecin. Mes parents avaient des baccalauréats dans des domaines de science sociale et nous vivions modestement sur une ferme. Mes grands-parents étaient ouvriers. L’accès à l’éducation ouvre des portes. Mais l’école ne fournit pas de garantie de cette ouverture des horizons.
Et qu’en est-il d’un enfant qui aurait des difficultés d’apprentissage pour lequel le réseau scolaire ne fournirait pas les ressources ? Garder son enfant à la maison et lui fournir une approche personnalisée est aussi une voie pour égaliser les chances. Des milliers d’enfants québécois en bénéficient chaque jour. Ne les oublions pas en forçant un mode d’évaluation inapproprié à leur contexte.
Anaïs Lauzon-Laurin
Représentante régionale de l’AQED dans Lanaudière